Le procès d’Adolf Eichmann – 1961
Adolf Eichmann est jugé en Israël à Jérusalem du 11 avril 1961 au 15 décembre de la même année. Cet ancien officier SS a participé à la planification du génocide juif puisqu’il est considéré par son biographe David Cesarani comme « l’administrateur en chef du plus grand génocide de l’histoire ». En effet Adolf Eichmann doit prendre les différentes mesures et initiatives pour la bonne exécution du meurtre de masse qui est en cours.
Son procès est important dans la mise en place de la justice pénale internationale car c’est une première expérience qui s’exerce dans un temps éloigné. En effet les procès de Nuremberg ont eu lieu alors que les faits étaient relativement récents alors que ce dernier se tient une quinzaine d’année après. La raison pour laquelle ce procès se déroule en 1961 est qu’Adolf Eichmann est d’abord arrêté et détenu dans un camp américain après la chute de Berlin en avril 1945 mais il réussit à s’échapper en 1946 et s’enfuit en 1950 en Argentine sous une fausse identité grâce à des réseaux catholiques et anticommunistes. Cependant un commando israélien l’enlève le 11 mai 1960 près de Buenos Aires et le ramène en Israël afin qu’il soit jugé.
Les israéliens souhaitent juger eux-mêmes ce criminel nazi et non recourir à la création d’un tribunal pénal international en raison d’une loi de 1950 qui concerne le jugement des nazis et de leurs collaborateurs. Celle-ci punit de mort les « crimes contre le peuple juif », les « crimes contre l’humanité » et les « crimes de guerre », tous trois imprescriptibles. C’est une loi rétroactive, s’appliquant à des faits commis hors du territoire, autorisant la poursuite de faits déjà jugés auparavant. Appliquée à des crimes commis contre les Juifs européens avant la création de l’État d’Israël, elle confère à celui-ci une pleine et entière légitimité pour juger en leur nom et même au nom de tous les Juifs morts ou vivants. Ce procès est donc à la fois politique car c’est la première fois qu’Israël juge dans un cadre légal ceux ayant voulu éradiquer le peuple juif. Il s’agit également d’un procès répressif car Adolf Eichmann est condamné à mort à l’issu du procès (il sera exécuté le 31 mai 1962).
De plus ce procès est organisé afin de consolider son identité nationale et lui a permis d’afficher au monde qu’Israël défendait les intérêts et les souvenirs des juifs morts ou vivants du monde entier. Enfin, c’est un procès évidement historique mais aussi mémoriel puisqu’il a joué un rôle important dans l’élaboration d’une mémoire collective de la Shoah en Israël. Ce procès intervient à une période qui fait la transition entre une génération qui a été victime de la Shoah et la suivante issue de cette même génération. En somme, le procès de Jérusalem en 1961 influence la réflexion sur la possibilité de juger d’autres crimes de masses (crimes de guerre, crime contre l’humanité et génocides) qui sont déclarés imprescriptibles dans les années suivantes par des accords internationaux.
Le procès Eichmann n’est pas le dernier procès contre des criminels nazis puisque d’autres ont eu lieu en Allemagne dans les années 1960-1970 (ceux de Francfort, Stuttgart ou Cologne) et en France dans les années 1980-1990 (Barbie, Papon) mais il s’agit, de par ses circonstances et sa popularité, d’un fer de lance pour la justice internationale. En effet la résolution de l’ONU de juin 1960 reconnait la violation territoriale de l’Argentine par Israël mais affirme le droit de juger en Israël Adolf Eichmann. Ainsi ceci montre le déficit de structure pour pouvoir juger des criminels comme Eichmann dont un procès est indispensable. Il s’agit de ce raisonnement qui va influencer la mise en place de la Cour Pénale Internationale (CPI) mais il faudra toutefois attendre la fin de la guerre froide pour que cette justice apparaisse pleinement avec la création de juridictions internationales.